Progiciels de gestion intégrés: la lente évolution vers le nuage

Bien qu’elles démontrent de la curiosité à l’égard des nouveautés en outils de gestion, les entreprises du Québec ont des inquiétudes envers l’idée de transférer leurs données vers l’infonuagique.

Au moment de prendre une décision sur l’endroit de conservation des données, les décideurs d’ici seraient tiraillés entre les pressions liées à la performance et des inquiétudes par rapport à la confidentialité.

«Presque la totalité de mes clients du Québec veut comprendre le nuage informatique et ses bénéfices, et on observe une bonne adoption de l’infonuagique au Québec», selon Dany Ortchanian, vice-président des technologies et services de l’information et responsable du marché du Québec pour le fournisseur SAP Canada.

M. Ortchanian explique que les entreprises au Québec ont beaucoup de pression à innover, à trouver de nouveaux modèles d’affaires et de nouveaux marchés et à être plus productives, ce qui les incite à être toujours à l’affût des nouvelles façons de faire. Il ajoute que cette préoccupation fait partie de leurs trois principales priorités.

«Le Québec est encore en phase d’éducation et d’appels d’offres pour comprendre, mais la prise de conscience avance», soutient Martin McNicoll, président de l’entreprise ERP Guru qui offre des services de PGI dans le marché américain où le nuage informatique serait implanté à 80%.

Cette différence géographique quant à l’implantation du nuage s’explique, selon M. McNicoll, par une méfiance qui serait semée et entretenue par des revendeurs de solutions PGI sur site.

Patrick Remy, d’ACCEO Solutions, soutient avoir noté un état d’esprit similaire. «D’avoir les données hébergées en externe, des décideurs n’ont pas été élevés dans un tel monde. Par contre, les jeunes qui ont été élevés avec Gmail sont ouverts à l’idée», explique-t-il.

«La vague du nuage informatique, au Québec, n’est pas un tsunami. C’est un mouvement qui s’installe tranquillement», dit M. Remy. À son avis, des entreprises voient encore des avantages à choisir des systèmes de PGI sur site.

Il s’agit aussi de l’avis de Mira Perry, d’IDC Canada. Elle souligne que les fournisseurs accordent la priorité aux développements de produits infonuagiques, même s’il existe encore un marché pour les solutions sur les lieux. «Certains veulent faire adopter des solutions hybrides», dit-elle.

«La tendance vers le nuage informatique va se poursuivre», affirme Benoît Godbout, de Sirius Conseils, selon qui l’adoption de PGI sur nuage informatique – du moins dans le marché du PGI en gestion de projets – ne représente pour l’instant que la moitié des solutions installées.

Le PGI sur site survit

La vague du nuage informatique laisserait encore indifférents des irréductibles des infrastructures au serveur local. «Il y a encore un besoin», affirme Mira Perry, qui fait partie de ceux qui perçoivent que des segments du marché des progiciels pour les entreprises continuent à voir des avantages aux logiciels sur site et à les préférer aux logiciels sur nuage.

Cependant, Mme Perry précise que les besoins pour des solutions sur place proviennent surtout d’entreprises qui ont déjà acquis un système dans le passé et qui aujourd’hui veulent des mises à jour afin d’étirer la durée de vie de leur investissement en infrastructure sur serveur.

«Beaucoup de nos clients ont déjà des solutions sur site et veulent continuer à améliorer leur actif, et nous devons absolument continuer à travailler avec ces clients. Il y a un marché viable pour le PGI sur les lieux», confirme Dany Ortchanian.

Selon Patrick Remy, l’infonuagique n’a pas encore été fatale pour les PGI sur site. «Ça va venir, mais pas tout de suite», dit-il.

À son avis, le passage du serveur local vers le nuage informatique dépend surtout de trois critères, autres que la disponibilité et l’efficacité des produits en mode infonuagique: l’incitatif financier à aller vers l’infonuagique afin d’alléger le fardeau en ressources humaines et financières qui est associé aux activités de maintenance du système sur les lieux; la préférence des clients entre l’achat immédiat de licences de solutions sur les lieux et le paiement de mensualités pour des logiciels servis par l’infonuagique; le confort à l’idée de voir les états financiers et les données sur les clients être hébergés à l’externe – un critère qui peut être perçu différemment selon les génération de décideurs.

«Les organisations plus sensibles à l’égard du lieu de conservation de données, comme les États et les entreprises qui ont des projets qui comprennent des données critiques, continuent de choisir des systèmes sur site par crainte de fuite», mentionne Benoît Godbout.

De plus, conclut M. Remy, les industries qui évoluent très loin des grands centres, comme les entreprises forestières, peuvent avoir une connexion Internet lente ou ne pas avoir à un deuxième fournisseur de relève.

Dominique Lemoine – Direction Informatique