Les entreprises du Québec suivent la tendance et tirent profit des progiciels de gestion intégrés, mais elles ne profitent pas encore du plein potentiel de ces outils, selon des observateurs.
Mira Perry, directrice de la recherche en applications pour les entreprises à la firme de recherche et d’analyse IDC Canada, relève que le marché canadien des progiciels de gestion intégrés (PGI) devrait connaître un taux de croissance annuel composé de 5,2% lors des prochains cinq ans, selon un sondage réalisé au Canada.
«Il s’agirait d’une croissance impressionnante, en raison du niveau de maturité des marchés canadien et québécois. Les décideurs d’ici font plutôt un bon travail en termes d’adoption de PGI», indique Mme Perry. Par contre, elle convient qu’il existe un retard par rapport aux États-Unis et que des fonctions PGI peuvent être sous-utilisées.
«Comme dans d’autres segments de marchés, des entreprises se contentent de n’utiliser que les capacités de base», souligne-t-elle.
Cette analyse est observée et confirmée sur le terrain par Patrick Remy, vice-président directeur à l’intégration PGI chez ACCEO Solutions, qui vend et implante des progiciels de gestion intégrés depuis vingt ans.
«Les entreprises vont plus loin aujourd’hui, mais elles se limitent quand même à certaines choses, comme remplacer un système qui n’est plus supporté ou pour lequel elles ne sont plus capables d’avoir les ressources nécessaires pour le mettre de l’avant», dit-il.
M. Remy évoque un manque de vision et d’ambition de la part des entreprises pour faire grandir leur organisation lors des changements de systèmes PGI. Il précise que des décideurs demandent à être portés au même niveau où ils se trouvent, en disant qu’ils verront par la suite «pour le reste».
Selon lui, le «reste» est justement la partie qui permet de tirer un maximum des investissements. Mais ces décideurs ne se rendraient pas à ce point, après être déjà passés à travers une implantation assez longue et avoir dû gérer le changement à l’interne et à l’externe, au prix de l’essoufflement du personnel.
«Les fonctions de réception de commandes, d’expédition des produits, de facturation, de gestion des stocks et de comptabilité sont parmi les capacités de base qui satisfont certains décideurs. Toutefois, attendre avant d’aller au bout de la démarche d’optimisation des PGI peut parfois contribuer à faire passer à côté des bénéfices de certaines innovations récentes», dit-il.
Une innovation verticale et nichée
Le retard du Québec quant à l’adoption du plein potentiel des progiciels de gestion intégrés n’empêche pas les développeurs internationaux de PGI de poursuivre leur innovation à l’échelle mondiale, selon les experts consultés. Ces derniers s’entendent aussi sur la possibilité que certaines technologies soient plus porteuses d’innovation que d’autres.
«La majeure partie de la croissance du marché canadien du PGI au cours des cinq prochaines années pourra être attribuée aux nouvelles fonctions que les entreprises de logiciels ajouteront à leurs offres actuelles de PGI», soutient Mira Perry, d’IDC Canada.
La directrice de recherche souligne qu’IDC a identifié quatre vecteurs d’innovation qui devraient intéresser les firmes québécoises: le mobile, l’infonuagique, l’analytique et la collaboration. À son avis, la mobilité doit fournir aux PGI des capacités en temps réel afin que les employés puissent accomplir à distance des tâches autrement accomplies sur place. L’informatique en nuage, de son côté, doit favoriser la rapidité des mises à jour d’applications, en particulier pour les petites et les moyennes entreprises qui n’ont pas les ressources humaines et financières abondantes à y consacrer.
«Le PGI est presque rendu à maturité en matière de capacités de base – on ne peut pas sans cesse inventer de nouveaux moyens d’entrer des états financiers -, mais la mobilité et Internet génèrent des innovations du côté de l’accès à l’information», confirme Patrick Remy.
Toujours selon Mira Perry, les grandes entreprises devraient être attirées par le potentiel de l’analytique pour l’optimisation de la productivité du capital humain et des ressources financières. De plus, les entreprises pourraient vouloir profiter de fonctions qui aident la collaboration avec les fournisseurs, les employés et les clients.
Selon M. Remy, la plupart des PGI implantés aujourd’hui sont des produits tiers de fournisseurs. Ainsi, même si seulement 20% des firmes de chaque pays optimisaient l’usage de leur progiciel, elles seraient des milliers à utiliser ces produits, ce qui permettrait aux fournisseurs d’investir dans le développement d’innovations.
«Il y a toujours de la place pour du développement plus spécialisé, plus niché. Bien que le “général” soit en baisse, les besoins de développement vont demeurer», ajoute Benoît Godbout, président de Sirius Conseils, une firme spécialisée en solutions informatique de gestion de projets.
À son avis, l’actualité riche en dépassements de coûts et en délais de projets devrait inciter des décideurs à regarder vers les PGI de gestion de projets.
Dominique Lemoine – Direction Informatique